Lui
- Vous n'écoutez jamais mes conseils...
Vous n'avez pas assez vécu...
Vous n'avez pas assez souffert...
Vous n'avez pas assez mangé de vache enragée...
Vous n'avez pas assez fait la guerre...
Vous n'avez pas connu la misère...
Enfin... c'était de mon temps...
Eux
- Assez de discours... -
- Nous vivons dans un monde tout à fait différent
du monde où vous vivez
- Laissez-nous notre chance d'exister librement.
- Vous traversez la vie comme on traverse une rue.
- Nous traversons la rue comme on traverse une vie.
- Laissez-nous traverser les dangers de la rue
- Laissez- nous traverser les dangers de la rue...
- Et pour mieux nous connaître
ouvrez donc vos fenêtres
sur un monde plus humain
qui ignore le dédain.
- N'oubliez pas de vivre...
de réussir... à vivre.
- Vous êtes des gens très lourds
Vous êtes très encombrés.
- Vous êtes des gens trop sourds
Vous êtes tout le temps pressés
- C'est ça le mal français...
Lui
- Hein ?...
Quoi ?...
Et vous salopez votre mère ?
La patrie votre mère ?
La famille votre mère ?
Sales petits cons...
Je vais vous apprendre la politesse...
Nous sommes vos aînés...
Ne l'oubliez jamais...
Vous nous devez le respect...
Sales cons
Et vous salopez votre père ?
Le travail de votre père ?
Le travail de votre père...
Le Maréchal votrepère...
Le Général son beau-frère...
Et vos livrets militaires...
Mes cousins du Maroc...
Les coussins de ma Roll's...
Le képi d'un agent...
Le profit et l'argent...
la valeur de l'argent...
Et l'odeur de l'argent...
Allez... Fichez-moi l'camp...
Eux
- Oui papa...
- Oui maman -
Arrêtez s'il vous plait
votre course à l'argent.
- Arrêtez de vivre
comme vivent les nantis.
Apprenez donc à vivre...
Si l'argent vous pourrit...
...la vie, elle, vous sourit.
Souriez à la vie...
- Sachez vous arrêter
au carrefour du chemin
pour entendre vibrer
le coeur de vos voisins.
Lui
- Allez... Fichez-moi le c'camp...
Compris ? ... Fichez-moi l'camp...
Eux
- Oui papa...
- Oui maman...
- Vous avez oublié
l'esprit de vos vingt ans.
- Vous l'avez étouffé
sous vos neiges d'antan...
- Etouffé dans la fosse...
- La fosse aux morts-vivants.
Daniel Bienmiller
Son recueil de poésies fut édité en 1980, il remporta le premier prix dans la catégorie : poésies modernes. Il peut surprendre, par ses jeux de mots et son humour (parfois caustique).