Il est d'étrange soirs où les fleurs ont une âme,
Où dans l'air énervé flotte du repentir
Où sur la vague lente et lourde d'un soupir
Le coeur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d'étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Et ces soirs là, je vais tendre comme une femme.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l'âme a des gaités d'eaux vives dans les roches,
Où le coeur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l'esprit sans reproches
Il est des clairs matins, de roses se coiffant.
Ce matin-là, je vais joyeux comme un enfant.
Il est de mornes jours où, las de se connaître,
Le coeur, vieux de mille ans, s'assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint,
Où s'agite un vague et minable cabotin.
Il est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ce jour-là, je vais courbé comme un ancêtre.
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Où l'âme au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l'infini terrible suspendue,
Sent le vent de l'abîme et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Et c'est nuit là, je suis dans l'ombre comme un mort.
Albert Samain